CRITIQUE DE L’IMAGINAIRE ET DU CADRE INSTITUTIONNEL DE LA LIBERTÉ DES MODERNES
Par Louis Marion

CC0 : Circe Denyer
Normes du vivre ensemble et décroissance
De quoi avons-nous besoin pour vivre ensemble? De justice, assurément, de solidarité, nécessairement, de liberté, bien entendu. La solidarité renvoie aux liens affectifs et la reconnaissance sociale, la justice à l’équité et à l’universalité des principes, mais la liberté, ça réfère à quoi au juste?
Comment en effet se représenter et définir la liberté? Est-ce une valeur éthique et politique, l’exercice individuel de la volonté, un principe transcendantal, une capacité de choix éclairés, une puissance d’agir, une autonomie personnelle, l’ignorance de nos déterminations, l’obéissance aux lois que l’on se prescrit à soi-même, ou encore le contraire du déterminisme que l’on attribue aux lois physiques de la nature?
Précisons pour commencer que la liberté n’est pas une valeur en elle-même, car il n’y a aucune contradiction entre militer pour la liberté d’expression et militer contre la liberté de s’enrichir au nom d’une critique de la division sociale par classe et du surtravail, par exemple. Il faut donc lui ajouter quelques déterminations. La liberté devient intelligible, par les contraintes spécifiques qui la définissent? C’est toujours relativement à une contrainte que l’on peut comprendre la liberté. On ne peut pas penser la liberté sans penser à une forme ou à une autre de contrainte qui détermine son champ ou son domaine d’application.
Quelle liberté en effet doit être affirmée, protégée, reconnue? S’agit-il de la liberté de conscience, de religion, d’expression, de consommation, d’accomplissement de soi qu’il faut défendre ou faut-il inclure aussi dans les libertés fondamentales la liberté comme émancipation vis-à-vis des contraintes sociales et naturelles ou comme possibilité de transférer aux générations futures les conséquences de notre mode de vie sur la biosphère? La liberté d’être irresponsable.
La liberté n’a pas toujours été sa représentation imaginaire sociale actuelle, c’est-à-dire le droit de poursuivre sans contrainte son intérêt privé.
Décider ensemble1La décroissance implique une démocratisation radicale. Cf. Le mal de l’infini d’Yves Marie Abraham., oui bien sûr, mais avec quelle conception de la liberté humaine?
La liberté libérale, qui légitime notre système juridique et autorise le développement infini du capitalisme, est fondée sur la propriété privative. Cette liberté a une histoire qu’il nous paraît judicieux de connaître pour comprendre et reconnaître les obstacles idéologiques – culturellement transmis – qui se posent aujourd’hui à la décroissance.
Genèse de la liberté libérale
Deux importantes contingences de l’histoire occidentale ont contribué à forger le sens du mot « liberté » qui domine actuellement.
L’avènement du christianisme et la révolution bourgeoise, comprise comme l’émancipation des bourgs vis-à-vis du féodalisme à la fin de l’époque médiévale, sont des évènements où se construit la liberté moderne en tant que liberté privée.
Grâce à l’héritage de la philosophie grecque, « [l]e propre du christianisme a été de concevoir, sous le regard de Dieu, la volonté comme l’exercice d’une domination du sujet […] sur lui-même plutôt que comme pouvoir exercé sur autrui2Freitag, M. (2011). L’abîme de la liberté. Critique du libéralisme, Montréal : Liber, p. 12. ».
Dans un premier temps, la reconnaissance de la volonté (chez Platon puis Aristote) comme puissance ou faculté universelle de l’esprit, distincte des capacités cognitives ou expressives, a permis de concevoir la liberté comme l’usage ou l’opération de la volonté. C’est-à-dire comme libre arbitre.
Plus tard la révolution bourgeoise va asseoir, fonder la liberté sur la propriété et sa naturalisation.
Par exemple, pour le philosophe libéral John Locke 3Locke, J. (1992). Traité du gouvernement civil [1690], Paris : Garnier Flammarion, p. 32 : « bien que la nature ait donné toutes choses en commun, l’homme néanmoins, étant le maître et le propriétaire de sa propre personne, de toutes ses actions, de tout son travail, a toujours en soi le grand fondement de la propriété; et que tout ce en quoi il emploie ses soins et son industrie pour le soutien de son être et pour son plaisir,[…] lui appartient entièrement en propre, et n’appartient point aux autres en commun. », la propriété est légitime, car naturelle et constitue la condition de la liberté et de l’abondance matérielle. Locke va déduire le droit de propriété par le travail qui permet d’augmenter considérablement « les fruits que la terre donne spontanément à l’état sauvage ». Dans son argumentation, la terre ou les poissons de la mer sont un commun qui appartient à tous, mais si je pêche l’un de ces poissons par mon travail, je retire alors cette richesse du domaine du commun et je peux me l’approprier légitimement en tant que propriétaire de mon corps et de son activité. La propriété s’appuie donc sur la spoliation du commun, mais ce penseur libéral en a justifié l’extension infinie à partir d’arguments philosophiques et religieux mettant « en scène l’immoralité du gaspillage que l’usage de l’argent permet justement d’éviter aussi bien comme moyen d’échange que comme mode de thésaurisation. Dès lors, il n’y a plus d’obstacle moral à une extension illimitée de la propriété 4Freitag, M. (2011). Op. cit., p. 171. ».
Résultat d’une histoire des idées associées aux intérêts d’une classe, cette conception de la propriété ne résiste pas à une analyse historique, sociologique et anthropologique, puisque loin d’être naturelle,
la propriété privée est le résultat d’une double négation : celle du caractère social de la chose, et celle du lien social qui inscrit a priori, de manière normative et identitaire, le sujet dans la société. C’est donc dans le nouvel espace institué sous la forme du pouvoir discrétionnaire qu’il peut exercer sur les biens qui sont devenus sa propriété exclusive vis-à-vis de tous que nait la liberté même du sujet bourgeois libéral5Ibid., p. 169..
C’est par l’intermédiaire de la propriété que « le sujet devient libre vis-à-vis de la société »6Ibid., p. 170.. La propriété permet la liberté comme libération vis-à-vis des attentes et des liens sociaux. Il s’agit de se soustraire « aux prétentions normatives d’autrui » »7Ibid., p. 169., de s’affranchir de tout rapport d’appartenance et d’« échapper à l’interdépendance » 8Selon Freitag, la propriété régule des rapports sociaux sans liens sociaux car « en tant que domaine soustrait aux normes sociales, aux liens et obligation, c’est le domaine du rapport social entre des “étrangers” ». Ibid., p. 170. liée à la condition humaine.
Définie par la justice romaine comme ab-usus, la propriété privée qui laisse les choses à la disposition totale du propriétaire institue une « désocialisation de l’usage des biens au profit des individus, ainsi qu’une fixation de la liberté des individus sur l’arbitraire dont ils disposent dans l’espace de la propriété9Ibid., p. 242. ». Les conséquences sont gigantesques sur notre civilisation comme la remarqué furieusement Rousseau :
Le premier qui, ayant enclos un terrain, s’avisa de dire : Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d’horreurs n’eût point épargnés au genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d’écouter cet imposteur ; vous êtes perdus, si vous oubliez que les fruits sont à tous, et que la terre n’est à personne. 10Rousseau, J. J. (1754). Discours sur l’origine de l’inégalité, Paris : J. Bry aîné, p. 257..
L’institution de la propriété privée est la condition de la domination concrète du capital compris comme la domination des choses sur les êtres humains. Auparavant prévalait plutôt l’idée
que les humains ont une place les uns par rapport aux autres, que leur être se fonde sur ces rapports de place avant de se fonder sur les relations qu’ils ont avec les choses. La modernité au contraire fonde le statut des personnes sur le travail et sur l’exercice de leur compétence, le rapport aux autres étant censé découler dans un second temps de ce rapport premier aux choses11Flahault F. (2005). Le paradoxe de Robinson, Capitalisme et société, Paris : Mille et une nuit, p. 23..
La naturalisation de la propriété est le socle philosophique qui nous permet de comprendre la spécificité de la liberté libérale par rapport à la liberté des anciens Grecs. Par opposition aux anciens pour qui la liberté est une liberté « sous la dépendance directe du politique […] dans le politique, par le politique, en vue du politique;12Freitag, M. (2011). Op. cit. p. 86. » chez les modernes libéraux, la liberté s’affirme contre le politique, contre la contrainte du pouvoir.
Dans la tradition philosophique libérale, chez Mill par exemple, la liberté signifie « la protection contre la tyrannie des dirigeants politiques13Mills, J. S. (1859). On liberty [2001], Kitchener : Batoche Book, p. 6. ». Elle est toujours saisie comme un domaine qui doit être protégé du pouvoir compris comme contrainte à la volonté individuelle et à la libre disposition de soi et de sa propriété.
Dans un texte célèbre sur la liberté des anciens et des modernes, le philosophe libéral Benjamin Constant décrit ainsi la liberté à laquelle aspirent ses contemporains : « Le but des modernes est la sécurité dans les jouissances privées; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances14Constant B. (1819). De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes. ».
Entendu comme absence de contrainte, comme possibilité de poursuivre son intérêt privé, son plaisir personnel, comme laisser faire dans le domaine économique, bref comme droit au profit, la liberté est aujourd’hui devenue un problème politique et écologique important.
Cette conception libérale de la liberté, issue de l’histoire religieuse, politique, juridique, et philosophique occidentale se doit d’être déconstruite quand l’on constate l’étendue des ravages provoqués par sa réalisation (protégée et permise par le droit de propriété) sur le terrain économique sous la forme de l’accumulation du capital.
La liberté au service de la servitude
La croissance que nous fustigeons comme aliénation capitaliste, injuste et détruisant le monde, n’est pas sans lien avec l’histoire ou la généalogie de la conception libérale de la liberté qui sert de fondation et de légitimation à notre civilisation marchande. Cette relation s’explique notamment par le fait que l’économie capitaliste est le lieu d’exercice de cette liberté prédatrice fondée sur la propriété et l’indépendance de l’individu par rapport aux liens sociaux.
L’omniprésence ostentatoire de la marchandise s’explique par le marché comme lieu parfait pour exercer son libre arbitre son choix de marchandise dans une société abandonnée aux intérêts des corporations.
L’idéologie libérale de la liberté, celle qui défend la propriété privée, le laisser-faire économique, est plus au service de la liberté des entreprises de produire n’importe quoi plutôt que de défendre la liberté humaine comprise comme l’usage particulier et individuel du commun.
Outre la destruction de la nature, l’augmentation des injustices et l’irresponsabilité générale, le problème c’est aussi que la liberté que diffuse l’idéologie libérale est de moins en moins celle d’êtres humains, mais de plus en plus celle d’organisations, d’entreprises. Le problème c’est que la « liberté s’est émancipée de la personne humaine », mais constitue encore un argument servant à légitimer la domination du capital15Freitag, M. (2011). Op. cit., p.16..
De plus, le libéralisme semble confondre la société et la civilisation. Pourtant l’éthologie nous apprend que la société n’est pas une création humaine en vue de satisfaire des besoins. Elle n’est pas non plus « le résultat empirique de l’association contractuelle des individus 16Ibid., p. 114. ». À vrai dire, « [l]a vie en société a précédé les activités économiques de plusieurs millions d’années » 17Flahault F. (2005). Op. cit., p. 67.. En effet, selon Flahault, « […] pour les êtres humains comme pour les singes la vie en société fait partie de leur constitution, elle est leur être naturel. Elle n’est pas un moyen au service d’une fin, elle est une fin en soi. Dire que les hommes se sont organisés en société afin de produire des biens est donc aussi absurde que de dire qu’ils ont des pieds afin de porter des chaussures ». 18Idem.
Il faut insister sur ce point : « La coexistence précède l’existence de soi 19Ibid., p. 60.». La société précède l’humanité.
Travail et liberté
Une conséquence majeure de la propriété et de la liberté bourgeoise qui lui est constitutive a été la marchandisation de l’activité productive, c’est-à-dire la généralisation du salariat, et son corollaire, le marché du travail.
Le monde dans lequel nous vivons est reproduit par l’activité humaine : aujourd’hui le travail, cette activité de reproduction sociale, est contraint, dominé, puisque l’individu, le travailleur qui l’exécute n’est pas libre.
Comparée au moyen Moyen-Âge, notre époque ne connaît pas la liberté du travail et l’indépendance acquise grâce au travail. A contrario, « [l]’artisan des communes bourgeoises médiévales était détenteur de ses propres moyens de production et son travail représentait pour lui l’accession à l’autonomie […], mais ce type d’autonomie, associée à l’appartenance à une communauté reconnue comme telle dans la société, est désormais perdu par le travailleur de l’industrie capitaliste 20Freitag, M. (2011). Op. cit., p. 249. ».
Son temps appartient à son patron et sa vie dépend du marché. Sans compter que certaines populations souffrent plus que d’autres des effets concrets de cette liberté libérale.
Alors quand on parle philosophiquement de cette liberté qui serait inhérente à la nature humaine il faut savoir et oser dire de quelle partie du genre humain on parle et quelles sont les caractéristiques de la nature humaine qui sont jugées vraiment essentielles pour tous ceux qui s’en réclament. Cela revient aussi à décider philosophiquement quelle partie du genre humain doit être sacrifiée à l’exigence de l’universel. Maintenant, la question peut être reformulée ainsi : quelle partie du genre humain et quelle partie de la nature doivent-elles être sacrifiées à l’imposition d’un libre marché globalisé par le capitalisme financier spéculatif?21Ibid., p. 250.
Bref notre mode de vie occidental, notre liberté de produire et de consommer toujours plus de marchandise, n’est pas universalisable et constitue une colonisation du présent par le futur sans autre finalité que celle du profit potentiel des membres de l’over class.
Mélangée avec la propriété, la liberté se change en nécessité
Dans sa réalisation contemporaine, cette liberté médiatisée par la propriété se retourne contre elle-même, car la liberté effective qui s’y exerce est de moins en moins celle de personnes cherchant à s’accomplir, mais de plus en plus celle « d’organisations impersonnelles (auxquelles est reconnue juridiquement la forme de personnes morales) et de procès régulateur autoréférentiel à caractère systémique (la liberté des marchés)22Ibid., p. 16. ». Ainsi, l’être humain se retrouve sous la dépendance de système technique et économique qui le contraint à s’adapter au lieu d’être autonome et de disposer de soi.
Comme disait Anders, « le sujet de la liberté et celui de la soumission sont intervertis : les choses sont libres, c’est l’homme qui ne l’est pas23Anders, G. (2002). L’obsolescence de l’homme, Paris : L’Encyclopédie des nuisances/Ivrea, p. 50. ».
Sous les protections juridiques accordées par la liberté libérale se cache l’irresponsabilité, le droit de détruire le monde.
La liberté « contractuelle » de vendre sa force de travail n’est au fond que la réalisation d’un droit de propriété sur « l’utilisation productive des êtres humains » à des fins privées, c’est-à-dire non démocratiques et non orientées par des finalités sociales collectivement réfléchies.
Chez Ivan Illich, la contre-productivité exprime l’idée que le développement de certains moyens (outils, institutions) finit par s’opposer aux fins pour lesquelles ces moyens sont conçus. Si certaines limites sont dépassées en matière d’usage, les moyens de communication risquent de nous isoler, la médecine de détruire la santé et l’éducation de nous abrutir. Ce concept de contre-productivité peut sans doute s’appliquer aussi à l’idéologie de la liberté : la liberté moderne est devenue contre-productive, c’est-à-dire qu’elle n’émancipe plus personne de rien. La dynamique sociale et économique que produit cette liberté appuyée sur la propriété nous conduit à la catastrophe.
Pour un nouvel imaginaire de la liberté
Les êtres vivants, en tant qu’ils peuvent agir sur le monde et interrompre l’enchaînement d’une chaîne causale déterministe, sont la véritable source de la liberté.
Une mouche ce n’est pas complètement prévisible, ce n’est pas comme le mouvement des planètes ou des boules de billard. C’est cette imprévisibilité comprise comme spontanéité subjective du vivant qui constitue la liberté première sur laquelle se construisent toutes les autres.
C’est la liberté première et inaliénable, car non séparée de l’animal. La liberté n’est pas une faculté du vivant, mais son comportement. Une manière unique et spécifique de se reporter au monde. Les électrons sont tous pareils, mais pas les chats même si les chats sont composés d’électrons.
Les flocons de neige même s’ils sont tous uniques, au fond sont tous pareils, contrairement au chat ou au chien qui eux possèdent tous une manière réellement unique et spécifique de se comporter dans leur milieu. D’exister en soi et pour soi.
Mais, il existe aussi une liberté, proprement humaine, qui est celle de se mouvoir non pas dans l’espace-temps d’une façon imprévisible (et impossible à déduire à partir des lois de la physique), mais celle de se déplacer parmi les mots dans le langage symbolique. La liberté donc comme usage du commun puisque le langage n’appartient à personne et est soustrait par principe à la propriété. Il n’y a pas de langage privé on partage toujours les mots avec d’autres.
La liberté comme dépassement de l’aliénation
Considérant cela, le nouvel imaginaire politique de la transition post capitalisme devrait abandonner la référence à la liberté, comprise à l’intérieur du cadre libéral et dépendant de la propriété comme absence de contrainte sociale, mais faire la promotion de la liberté définie comme l’absence de contrainte d’aliénation. Le terme d’aliénation étant ici associé à trois sens différents.
Chez Marx la notion d’aliénation fait référence à la double dépossession du travail. Le travailleur ne contrôle rien dans le processus de production et est spolié des produits de son travail. Ne contrôlant ni la forme, ni les moyens, ni les fins de son activité, il est séparé des fruits de son travail.
À cette définition de l’aliénation, Anders en ajoute une nouvelle : « [n]otre vie à tousest doublementaliénée : elle n’est pas seulement faite de travail sans fruits, mais également de fruits obtenus sans travail 24Ibid., p. 229.. » La technique ajoute à l’aliénation du travail l’aliénation de la non-expérience même du travail. Une aliénation causée par la facilité et le confort que nous procurent nos machines et qui tend à nous déresponsabiliser. Le désir d’abandonner le monde aux robots et algorithmes en tous genres.
Grâce à la puissance obtenue par le développement technoscientifique, le pays des gourmands se réalise : tout devient facile, accessible, s’ouvre comme ces portes automatiques au supermarché. Les rêves ancestraux de l’humanité deviennent une réalité. C’est le pays de cocagne, lieu du moindre effort, un endroit magique où toute médiation de la satisfaction est abolie. Dans le pays de cocagne, nous dit Anders « il suffit d’ouvrir la bouche toute grande pour qu’y tombent des “poulets rôtis”25Ibid., p. 224.».
Et pour finir, ajoutons l’aliénation au sens de la psychanalyse (Lacan, Castoriadis) causée par le discours de l’autre et intériorisée de manière inconsciente : c’est-à-dire « [l]» influence sociale non sue comme telle26Voir le cours d’Annick Stevens à propos de l’aliénation chez Castoriadis. ». Dans ce sens, la liberté est la possibilité permanente de la réflexivité critique vis-à-vis des attentes de l’autre, de la société, la possibilité de diverger face aux normes reconnues. Bref, la capacité de recul, de distance critique vis-à-vis de sa propre socialisation.
Dans ce troisième sens, l’aliénation, c’est aussi l’aliénation causée par le déni de notre pouvoir d’instituer du radicalement nouveau ou comme peur de remettre en question ce qui est.
Échapper à ces trois types d’aliénations nourrissant l’hétéronomie : voilà la liberté que nous devons réaliser en établissant, produisant et partageant démocratiquement des communs.
Notes