par Jérémy Bouchez
Photo : Jonas Jacobsson
Le 14 novembre 2019, à la librairie Raffin, les Éditions Écosociété lançaient le nouveau livre d’Yves-Marie Abraham, Guérir du mal de l’infini. Produire moins, partager plus, décider ensemble. Le chercheur et professeur aux HEC Montréal a déjà publié plusieurs livres en lien avec la décroissance avec d’autres spécialistes. Avec cet ouvrage, il offre aux lectrices et lecteurs une synthèse accessible sur les idées, les valeurs et les principes proposé.e.s par le mouvement de la décroissance au Québec.
C’est une idée pourtant simple mais qui paraissait encore incongrue il n’y a pas si longtemps : une croissance illimitée dans un monde limité est matériellement impossible. Depuis quinze ans, cette idée commence de plus en plus à être prise au sérieux. Voilà l’une des réussites — et pas des moindres — du mouvement de la décroissance que celle d’avoir martelé ce message tout en nous rappelant que le propre des sociétés de croissance est de faire l’économie de la nature. Guérir du mal de l’infini offre une synthèse claire des principes défendus par ce mouvement, en s’appuyant d’abord sur une critique incisive de la croissance capitaliste : bien que des économistes orthodoxes trouvent en elle la source de leur foi, qu’elle soit « verte » ou vêtue du leurre du « développement durable », elle demeure porteuse d’autodestruction, d’injustice et d’aliénation.
À ce brillant plaidoyer pour refuser le fantasme funèbre de la croissance éternelle, l’auteur adjoint diverses propositions pour envisager la transition d’un monde essentiellement axé sur l’entreprise vers un monde fondé sur les « communs ». Abraham explore également des alliances possibles entre la décroissance et d’autres luttes politiques souvent ignorées par les premiers penseurs de ce mouvement (féminisme, anticolonialisme, antispécisme).
Au final, le problème que pose la course à la croissance illimitée n’est pas seulement qu’elle détruit ce qui rend nos vies possibles, mais aussi qu’elle nous éloigne sans cesse davantage de la liberté et de l’égalité qui nous ont été promises. Tel est le « mal de l’infini ». Pour en guérir, les prières aux gouvernements et les incantations vertueuses ne suffiront pas. Une vraie bataille est à mener, sur plusieurs fronts, et ce livre offre un moyen de s’armer pour avancer sur celui des idées.
Un ouvrage écrit dans une langue limpide et accessible appelé à devenir une référence en la matière.