À l’approche des élections municipales françaises en 2026, plusieurs chercheurs, groupes citoyens, collectifs experts des impacts du numérique, incluant la journaliste Celia Izoard et l’auteur Philippe Bihouix, proposent 10 mesures pour une désescalade numérique.
Ces propositions, accompagnées de pistes d’action concrètes, ont pour objectif d’informer et d’influencer les programmes politiques des candidat·es aux municipales, et plus largement de susciter un débat public pour qu’enfin soit questionnée cette course effrénée aux technologies numériques.
Le groupe de recherche Polémos partage les constats énumérés dans cet appel sur les dangers du déploiement de cette industrie du numérique à l’échelle mondiale: captation des cerveaux et des liens communautaires, mainmise des multinationales, impact écologique et précarité de la main-d’œuvre pour n’en citer que quelques-uns.
Alors que les élections municipales au Québec approchent à grand pas, le 2 novembre 2025, et que les élections provinciales se préparent pour l’automne 2026, les membres de Polémos invitent les personnes candidates et les électeur·trices à prendre position sur ces propositions.
Malgré la Convention de 19481Nations unies. (1948, 9 décembre). Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Nations unies. https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/convention-prevention-and-punishment-crime-genocide adoptée par les Nations unies, les États occidentaux n’ont pas rempli leur devoir de faire tout en leur pouvoir pour prévenir le crime de génocide commis par Israël. Malgré plus de 73 000 Palestinien·ne·s tué·e·s ou disparu·e·s, des centaines de milliers de blessé·e·s et une famine orchestrée, ils n’ont toujours pas honoré l’autre obligation prescrite par cette convention : celle de réprimer ce crime. Or, seules des sanctions sévères peuvent arrêter Israël, dont le projet d’expansion sioniste, rappelons-le, se poursuit de plus belle en Cisjordanie occupée sans oublier les attaques menées par l’armée israélienne en Syrie, au Liban, au Yémen et récemment au Qatar (État médiateur dans cette guerre), alors même qu’une négociation Israël-Hamas devait s’y tenir pour un cessez-le-feu2Roth, A. et Burke, J. (2025, 10 septembre). Israeli airstrikes ‘killed any hope’ for hostages in Gaza, says Qatari prime minister. The Guardian. https://www.theguardian.com/world/2025/sep/10/israel-threats-outrage-qatar-strike-hamas.
Ce pouvoir de sanction, seuls les États sont en mesure de l’exercer. Et partout dans le monde, au nord comme au sud, les citoyen⸱ne⸱s incitent leurs gouvernements à agir en conséquence en sanctionnant Israël en vue de mettre fin à sa campagne d’extermination implacable. On entend les échos de ce mouvement mondial même depuis l’État hébreu, comme en témoigne la lettre ouverte publiée par une trentaine de personnalités israéliennes éminentes, dont notamment Avraham Burg, ancien président de la Knesset et également ancien président de l’Organisation sioniste mondiale, demandant l’imposition de « sanctions accablantes » sur Israël3Abraham, Y., Alexandrowicz, R., Aloni, U., (…) et Weizman, E. (2025, 29 juillet). The starvation of Gaza is shameful. Crippling sanctions on Israel are needed. [Lettre ouverte]. The Guardian. https://www.theguardian.com/world/2025/jul/29/the-starvation-of-gaza-is-shameful-crippling-sanctions-on-israel-are-needed.
Cependant, la plupart des gouvernements occidentaux se montrent irresponsables, dans le moins pire des cas, voire complices dans bien d’autres, nommément le Canada. En effet, le gouvernement canadien a poursuivi son exportation d’armes vers Israël, notamment en exploitant une faille permettant de passer par les États-Unis4Arms Embargo Now. (2025, 31 juillet). Les dessous des exportations militaires canadiennes vers Israël. [Rapport]. https://armsembargonow.ca/wp-content/uploads/2025/08/FR-RAPPORT-Les-dessous-des-exportations-militaires.pdf. En plus de ces exportations, le Canada importe « des technologies et du matériel militaire israéliens, incluant des armes qui ont été utilisées contre les Palestiniens lors des bombardements actuels à Gaza5Cosh, A. (2024, 4 mars). Canadian Military Buying $43 Million Of Israeli Missiles Used In Gaza Attacks. The Maple. https://www.readthemaple.com/canada-buying-43-million-of-israeli-missiles-used-in-gaza-attacks/, […] et qui sont ensuite commercialisées […] comme étant « testées au combat » et comme ayant « fait ses preuves au combat »6Rafael. https://www.rafael.co.il/our-story/.
La dévastation de Gaza et l’horreur infligée sous nos yeux aux Palestinien·ne·s sont tels que les divers stratagèmes du gouvernement canadien pour garder la face en annonçant publiquement la fin du commerce d’armes avec l’État hébreu, tout en poursuivant ce trafic7Le rapport Les dessous des exportations militaires canadiennes vers Israël (op. cit. ) révèle que « des armes ont continué d’être envoyées vers Israël tout au long des années 2024 et 2025, alimenté par un nombre record de permis accordés avant l’annonce par le gouvernement, en janvier 2024, d’une suspension officielle. » proscrit par le droit interne et le droit international, ne font que le déshonorer davantage. La responsabilité nous incombe donc, en tant que citoyen·ne·s, chercheur·e·s, écrivain·e·s, artistes, de faire pression sur les États, malgré tout, afin qu’ils finissent par réprimer significativement Israël.
Différents membres de notre organisme de recherche à but non lucratif sur la décroissance ont apporté leur soutien à la Palestine que ce soit lors de conférences, ou dans le cadre de leur vie professionnelle ou militante. Suivant cet élan, c’est cette fois-ci en tant que groupe que Polémos prendra part à la marche du 19 septembre à Ottawa8Marche vers Ottawa. https://marcheversottawa.weebly.com/#/.
Cette démarche s’échelonnant du 15 au 19 septembre à la Colline du parlement, vise à faire pression sur le gouvernement du Canada, afin que celui-ci se conforme aux six mesures9Marche vers Ottawa. « Foire aux questions ». Quelles sont les six mesures proposées par le Groupe de La Haye. Récupéré de https://marcheversottawa.weebly.com/faq.html#/ proposées par le groupe de La Haye10Officiellement constitué en janvier 2025 aux Pays-Bas, « le Groupe de La Haye est un bloc mondial d’États engagés dans des « mesures juridiques et diplomatiques coordonnées » pour défendre le droit international et la solidarité avec le peuple palestinien ». Récupéré de https://thehaguegroup.org/home-fr/ :
Interdire l’approvisionnement ou le transfert d’armes, de munitions, de carburant militaire, de matériel militaire connexe et d’articles à double usage à Israël.
Interdire le transit, l’accostage et l’entretien des navires dans n’importe quel port dans tous les cas où il existe un risque évident que le navire soit utilisé pour transporter des armes, des munitions, du carburant militaire, du matériel militaire connexe et des articles à double usage vers Israël.
Interdire le transport d’armes, de munitions, de carburant militaire, d’équipements militaires connexes et d’articles à double usage vers Israël sur des navires battant notre pavillon et garantir une pleine responsabilité, y compris le retrait du pavillon, en cas de non-respect de cette interdiction.
Lancer un examen urgent de tous les contrats publics, pour interdire à nos institutions et fonds publics de soutenir l’occupation illégale du territoire palestinien par Israël et la consolidation de sa présence illégale sur ces territoires.
Se conformer aux obligations visant à garantir la responsabilité des crimes les plus graves au regard du droit international, par le biais d’enquêtes et de poursuites rigoureuses, impartiales et indépendantes aux niveaux national ou international, afin de garantir la justice pour toutes les victimes et la prévention de futurs crimes.
Soutenir les mandats de compétence universelle, dans la mesure où cela est applicable dans les cadres juridiques et judiciaires nationaux, afin de garantir la justice pour les victimes des crimes internationaux commis dans les Territoires palestiniens occupés.
Notons au passage que pour l’instant, aucun État occidental ne fait partie de ce regroupement international11Font partie du Groupe de La Haye ayant formulé les six mesures en question : la Bolivie, la Colombie, Cuba, l’Indonésie, l’Irak, la Libye, la Malaisie, la Namibie, le Nicaragua, Oman, Saint Vincent et les Grenadines, l’Afrique du Sud et la Turquie., donnant à cette inertie mortifère une impression de vieille fraternité coloniale entre gouvernements occidentaux, pour reprendre l’idée de Monique Chemillier-Gendreau, spécialiste du droit international, lors d’un rigoureux et incisif entretien pour la chaîne Élucid intitulé Origines du sionisme et mensonges d’Israël : 75 ans de déshonneur12Chemillier-Gendreau, M. (2025, 6 septembre). Interviewée par O. Berruyer. « Origines du sionisme et mensonges d’Israël : 75 ans de déshonneur ». Dans Élucid. Demain se comprend aujourd’hui.https://elucid.media/politique/origines-du-sionisme-et-mensonges-d-israel-75-ans-de-deshonneur.
Un gouvernement qui soutient un génocide ne peut invoquer dorénavant aucune justification morale à une quelconque de ses actions, et par conséquent se rend illégitime auprès des peuples qu’il est censé gouverner, en tant que détendeur d’une mission d’intérêt général.
Le rapport Les dessous des exportations militaires canadiennes vers Israël (op. cit. ) révèle que « des armes ont continué d’être envoyées vers Israël tout au long des années 2024 et 2025, alimenté par un nombre record de permis accordés avant l’annonce par le gouvernement, en janvier 2024, d’une suspension officielle. »
Officiellement constitué en janvier 2025 aux Pays-Bas, « le Groupe de La Haye est un bloc mondial d’États engagés dans des « mesures juridiques et diplomatiques coordonnées » pour défendre le droit international et la solidarité avec le peuple palestinien ». Récupéré de https://thehaguegroup.org/home-fr/
Font partie du Groupe de La Haye ayant formulé les six mesures en question : la Bolivie, la Colombie, Cuba, l’Indonésie, l’Irak, la Libye, la Malaisie, la Namibie, le Nicaragua, Oman, Saint Vincent et les Grenadines, l’Afrique du Sud et la Turquie.
À la suite de l’annonce de son décès, l’ensemble des membres de Polémos transmettent leurs sincères condoléances aux proches de Serge Mongeau, et lui rendent hommage. Nous saluons tout autant le grand homme qu’il était que les idées qu’il a développées et portées tout au long de sa vie.
Ayant sans cesse oeuvré à faire advenir une société plus égalitaire, plus écologique et plus démocratique, se saisissant avec cohérence, sagesse, abnégation et sans compromission de toutes les luttes et de tous les combats qu’il jugeait juste, Serge Mongeau était et restera une source d’inspiration qui nous éclairera longtemps.
Chacune à leur manière, les trajectoires des membres de Polémos ont été marquées par la pensée et les actions de Serge. Son apport pour le mouvement de la décroissance, et plus largement pour le Québec, est incommensurable. Nous l’en remercions et espérons faire honneur au riche héritage intellectuel qu’il laisse derrière lui.
Nous vous invitons à prendre connaissance de l’ensemble de son œuvre, et à vous laisser inspirer par sa philosophie de vie et sa vision de la société. Pour en savoir plus sur son parcours, cliquez sur le bouton ci-dessous.
Joignez-vous au Campus populaire d’été Terre et Liberté, à la Ferme de la Dérive de la FUSA Sageterre au Bic (Bas-Saint-Laurent)
Cet événement citoyen rassemblera, sur l’un des champs maraîchers de la ferme à but non lucratif La Dérive, près de 150 personnes dont plus d’une quinzaine de panélistes de tous horizons pour penser collectivement le territoire à travers le concept d’autonomie dans une perspective de décroissance et de sortie du capitalisme.
Pendant deux jours et demi, aux côtés de Polémos, groupe de recherche sur la décroissance, du groupe citoyen de Démocratie directe de Rimouski, de la Ferme de La Dérive (qui font pousser actuellement de la nourriture pour le campus) et du CIBLES, conférences, ateliers et discussions alterneront avec pratiques fermières, moments conviviaux et artistiques. Des activités pour enfant seront également offertes.
Le projet de « transition énergétique » qui domine depuis une décennie les discours publics a installé une opposition entre, d’un côté l’extraction de fossiles, synonyme de réchauffement climatique, et de l’autre une extraction minière requalifiée en mal nécessaire pour approvisionner la transition en métaux.
L’enjeu de ce séminaire consistera à analyser la dimension factice de cette polarisation, son efficacité idéologique et ses conséquences politiques et matérielles, à commencer par la poursuite de l’accaparement des ressources et du franchissement des limites terrestres. Peut-on lutter contre le « capitalisme fossile » sans affronter plus largement le capitalisme extractiviste, dans les imaginaires comme dans les infrastructures ?
biographie
Celia Izoard est journaliste et philosophe. Dans ses enquêtes, elle analyse les rapports entre la technologie et le pouvoir, et dissèque les chaînes d’approvisionnement mondiales. Elle est l’autrice de La Ruée minière au XXIe siècle : Enquête sur les métaux à l’ère de la transition (Seuil/Rue Dorion, 2024), Merci de changer de métier : Lettres aux humains qui robotisent le monde (Rue Dorion, 2021) et co-autrice de La machine est ton seigneur et ton maître (Rue Dorion, 2022). Elle a retraduit et postfacé 1984 de George Orwell (Rue Dorion, 2021).
Espace conférence du Festival de la décroissance conviviale – Crédit : Jérémy Bouchez
Le 1er juin, Montréal accueillait la 3e édition du Festival de la décroissance conviviale. L’événement, qui a attiré jusque 350 personnes, se tenait au Boisé Steinberg dans l’arrondissement Hochelaga-Maisonneuve. Le choix de cet espace naturel était très à propos puisqu’il est aussi un lieu emblématique, à la convergence de plusieurs luttes citoyennes en lien avec les idées et débats qui se sont déroulés tout au long de la journée.
Le Boisé Steinberg dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve à Montréal, une sorte d’oasis de 3 ha (30 000 m2) de nature sauvage en pleine ville, encerclée par le béton, l’asphalte… et bientôt par des milliers de conteneurs qui seront opérés par l’entreprise Ray-Mont Logistics. C’est presque logiquement dans cette « zone à défendre », écrin de nature cernée par les multiples visages du capitalisme, que s’est tenue la 3e édition montréalaise du Festival de la décroissance conviviale.1Les deux premières éditions se sont tenues en 2018 et 2019 sur le site Virage du campus MIL de l’Université de Montréal.
Un site qui est un condensé de luttes citoyennes
Crédit : Jérémy Bouchez
Logiquement, car le lieu est un condensé de luttes citoyennes contre le système capitaliste, contre la destruction du vivant (même en milieu urbain), contre les organes de gouvernance (provincial et municipal) qui veulent balafrer le boisé pour prolonger le boulevard de l’Assomption afin de faciliter le camionnage et le transport de conteneurs vers le port fluvial de Montréal, situé à deux pas2Une partie du Boisé Steinberg, en référence à l’entreprise qui possédait l’espace il y a 30 ans, s’est naturalisée. Le lot appartenait à Hydro-Québec jusqu’à très récemment, avant que la ville ne l’achète en vue de sa protection, grâce à la pression et à la mobilisation des citoyen∙ne∙s du secteur. Une partie du boisé est toujours menacée par le projet municipal de prolongement du boulevard de l’Assomption. Pour de plus amples informations sur le boisé Steinberg, visitez le site internet de Résister et fleurir : https://resisteretfleurir.info/le-boise-steinberg/. Sophie Turri (Polémos Décroissance) et Geneviève Chagnon (fondatrice Carrefour BLE), organisatrices du festival, ont divisé le site en plusieurs espaces : un lieu central composé de kiosques occupés par différents organismes et partenaires, un chapiteau qui abritait les conférences et une zone dédiée à la fanfare Pourpour, qui a régalé les participant.es avec ses sonorités tziganes, québécoises, mélangées à du jazz, un assemblage éclectique et convivial qui résonnait avec les idées proposées et les discussions qui ont eu lieu durant toute la journée.
Avant le lancement de la programmation de la journée, quelques membres de Mobilisation Parc-Nature MHM ont permis à une vingtaine de personnes de participer à une marche guidée sur les luttes et le boisé, histoire d’ancrer l’événement dans les thématiques du lieu tout en faisant de la sensibilisation aux revendications et aux réalités citoyennes locales.
Produire moins, partager plus et décider ensemble, mais comment?
Tout au long de la journée, dans l’espace dédié aux conférences, des intervenant∙es sont venu∙es discuter et échanger sur plusieurs thématiques et questionnements, faisant le lien entre les origines du mouvement, ses idées, toute comme les alliances difficiles, mais absolument nécessaires avec celui de la lutte des classes à travers le mouvement ouvrier, avec les revendications autochtones ou encore avec les militant∙es écologistes.
Ainsi, Louis Marion, philosophe de la décroissance et membre de Polémos-Décroissance, a ouvert le bal en proposant une introduction à la décroissance et aux institutions nécessaires à la mise en place de son programme. En 2e partie de matinée, Ambre Fourrier, candidate au doctorat en sociologie et également membre de Polémos-Décroissance, a dressé une analyse fine et une critique étayée du mythe de la possibilité d’une croissance verte, pourtant largement défendue par les thuriféraires du verdissement du capitalisme.
Durant la pause du midi, pendant que la vingtaine de musicien∙ne∙s de la Fanfare Pourpour animait les lieux du festival, l’espace escargot donnait l’occasion aux participant∙es avec des enfants de prendre part à une fresque du climat. En début d’après-midi, Aurélie Oren A., herboriste-thérapeute et fondatrice de Le Vent et la Tortue, proposait une activité de découverte des plantes sauvages médicinales et comestibles qui se sont installées dans le boisé. De plus, plusieurs organismes sont venus tenir des kiosques fournissant des informations sur leur mission et leurs activités : UPop Montréal, Eau Secours, les Éditions Écosociété, La Remise – Bibliothèque d’outils, Mobilisation 6600 – Parc Nature MHM et le Collectif HEPC (Hautes études post-croissance).
La nécessité de faire converger les idées de la décroissance avec les luttes ouvrières
En après-midi, la 2e partie des conférences du festival reprenait de plus belle devant une centaine de personnes. Colin Pratte, sociologue, juriste et chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS), a utilisé son temps de parole pour discuter des classes sociales et de leurs liens avec les idées de la décroissance. Pour le sociologue, et en se basant en partie sur les écrits et les recherches de la professeure Bengi Akbulut (chercheure à l’université Concordia), l’articulation entre le mouvement de la décroissance et les luttes de classes est faible pour deux raisons principales : la première a trait au point d’entrée de la lutte, car celle-ci s’est faite par la sphère du travail avec des questionnements sur la nuisance du capitalisme contre la main d’œuvre, la force ouvrière. Par contre, le mouvement de la décroissance s’est tout d’abord construit sur les conséquences du système capitaliste sur la biosphère, sur les conditions de reproduction de la vie, à l’extérieur de la sphère de travail.
La deuxième raison porte sur l’imaginaire de l’émancipation. En effet, selon Bengi Akbulut et Colin Pratte, le projet socialiste au sens large n’était pas vraiment en phase avec les idées décroissantistes, mais défendait au contraire un imaginaire prométhéen, c’est-à-dire une vision du progrès humain portée par la technique et la croissance économique. Colin Pratte a insisté sur une nécessaire et impérative fusion entre les luttes sociales et écologiques qui se heurte cependant aux impératifs de la croissance verte, par exemple dans la défense des métiers de la transition écologique en mode capitaliste, comme le chantier de l’électrification à tout va qui, pour le moment, est fortement orientée vers le maintien de l’hégémonie techno-industrielle, encore largement défendue par les syndicats.
En milieu d’après-midi, un panel de discussion axé sur le mouvement militant écologiste s’est tenu sous le chapiteau des conférences. Quatre panélistes ont échangé pendant 30 minutes sur leurs rapports avec les idées du mouvement de la décroissance avant de répondre aux questions de l’auditoire. Étaient présent.es : François Geoffroy, membre de Travailleuses et travailleurs pour la justice climatique, Louis-Philippe Véronneau, membre de Mobilisation 6600 – Parc Nature MHM, Guillaume Lévesque et Amélie Beaulé, deux membres du jeune mouvement Rage climatique.
De l’esquisse des espaces géographiques de la décroissance à des stratégies de désaccumulation
Yves-Marie Abraham, lors de sa conférence. Les conteneurs du Port de Montréal sont visibles en arrière plan. Crédit : Jérémy Bouchez
Pour terminer l’après-midi, ce fut au tour d’Yves-Marie Abraham, professeur à HEC, auteur de Guérir du mal de l’infini et membre de Polémos Décroissance et Dalie Giroux, essayiste et professeure en théories politiques et féministes à l’Université d’Ottawa.
Le premier a tenté une esquisse géographique d’un monde post-croissance. Après avoir rappelé à quel point le modèle capitaliste peut être vu comme un mode de vie impérial (selon Ulrich Brand et Markus Wissen3Brand, U., Wissen, M., & Jungwirth, B. (2021). The imperial mode of living : Everyday life and the ecological crisis of capitalism. Brooklin : Verso. https://www.versobooks.com/en-ca/products/916-the-imperial-mode-of-living), c’est-à-dire la promesse que tout un chacun∙e puisse devenir un seigneur ou une seigneuresse, au détriment de la biosphère, tout en reposant sur de puissantes injustices, tant sur les modes de production que sur la nécessité de gérer les déchets inhérents à la société de consommation, elle-même inféodée au productivisme. Face à l’impasse du système capitaliste, Yves-Marie Abraham propose cinq principes complémentaires et interdépendants : la biorégionalisation, la municipalisation, l’instauration et la généralisation des basses technologies (ou low-tech), la communalisation, et la subsistance, en tant que préoccupation fondamentale.
Pour terminer, le professeur et objecteur de croissance a présenté le « quizz biorégionaliste »4https://topophile.net/savoir/un-quiz-bioregional/, un ensemble de questions élaborées par les premiers et premières promoteur∙es de la biorégion en Californie, qui se veut une sorte de test visant à vérifier nos connaissances des affordances (ou potentialité) de la nature dans notre région, non dans une cosmologie extractiviste, mais dans une perspective de subsistance, écologique, communaliste, égalitaire, et la moins dépendante possible des hautes technologies.
Enfin, la professeure Dalie Giroux a brillamment expliqué sa vision d’une « praxis de la désaccumulation », avec la gratuité comme figure de cette désaccumulation, en se basant sur la critique de l’accumulation primitive développée par Karl Marx dans Le Capital5Contenu soumis à la licence CC-BY-SA 4.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/deed.fr) Source : Article Le Capital de Wikipédia en français (https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Capital). (section 8 du livre). Pour l’essayiste, cette nécessaire désaccumulation impose une autre théorie de la valeur, imposée par le capitalisme comme une mesure de l’argent. Elle voit cette praxis de la désaccumulation comme des pratiques de destruction de valeur, c’est-à-dire de démanteler les processus qui protègent les marchés afin de servir le capital. Dans cette optique, la « pratique ou revendication reine » d’un mouvement de désaccumulation réside dans la gratuité. Dalie Giroux précise que ce qui est gratuit détruit la valeur. L’exemple de la revendication de la gratuité de l’éducation lors du Printemps érable signifie qu’on ne veut pas de l’éducation comme marchandise, en estimant que cela ne vaut rien, on implique que cela ne peut être approprié. Elle estime donc qu’il y a de nombreux chantiers à penser dans la revendication de la gratuité, entre autres perspectives de désaccumulation.
Cette 3e édition du Festival de la décroissance conviviale fut une réussite tant sur le plan de la fréquentation que sur celui des idées avancées et des échanges avec le public. Outre le fait d’avoir pu discuter dans un lieu vu comme un symbole montréalais des luttes citoyennes face aux conséquences du capitalisme, plusieurs intervenant∙es ont mentionné être reparti∙es avec de nouvelles pistes de recherche, d’écrits ou avec une motivation renforcée. C’était aussi l’occasion de tisser ou de renforcer des liens, ce qui après tout figure dans le slogan « moins de biens, plus de liens ».
À noter que les interventions des conférenciers et conférencières ont été captées en vidéo et seront disponibles sur le site internet de Polémos Décroissance.
Une partie du Boisé Steinberg, en référence à l’entreprise qui possédait l’espace il y a 30 ans, s’est naturalisée. Le lot appartenait à Hydro-Québec jusqu’à très récemment, avant que la ville ne l’achète en vue de sa protection, grâce à la pression et à la mobilisation des citoyen∙ne∙s du secteur. Une partie du boisé est toujours menacée par le projet municipal de prolongement du boulevard de l’Assomption. Pour de plus amples informations sur le boisé Steinberg, visitez le site internet de Résister et fleurir : https://resisteretfleurir.info/le-boise-steinberg/
Le 1er juin c’est la journée mondiale de la décroissance, le saviez-vous? Pour célébrer l’occasion, le collectif de décroissance conviviale de Montréal, aux côtés de Polémos et de la Mobilisation 6600 Parc Nature MHM, est ravi de vous convier à la troisième édition du Festival de la décroissance. Nous vous proposons de venir passer la journée avec nous sur le site à défendre de la Mob!
Au programme : des conférences, panel et débats mais aussi, des marches en nature, des kiosques, une fanfare, tout ce qu’il faut pour passer un bon moment et faire le plein d’enthousiasme.
9h15-10h : marche guidée sur les luttes et le boisé avec la Mobilisation 6600
10h-10h30 : ouverture du festival
10h30-11h15 : Introduction à la décroissance et aux institutions nécessaires – Louis Marion (Polémos)
11h15-12h : Pourquoi ne pas miser sur la croissance verte? – Ambre Fourrier (Polémos, UQAM)
12h-13h30 : PAUSE À L’ESPACE ESCARGOT
13h30-14h15 : Décroissance et classes sociales: entre ruptures et alliances – Colin Pratte (IRIS, UQAM)
14h15-14h30 : Pause
14h30-15h30 : Quelle place pour la décroissance dans la culture militante? – François Geoffroy (Travailleurs et Travailleuses pour la Justice Climatique), Louis-Philippe Veronneau (Mobilisation 6600), Rage climatique
15h30-15h45 : Pause
15h45-16h30 : Esquisse géographique d’un monde post-croissance – Yves-Marie Abraham (Polémos, HEC)
16h30-17h15 : Figures de la gratuité – Dalie Giroux (Université d’Ottawa)
17h30-18h30 : Mot de la fin et jasette!
ESPACE ESCARGOT
10h-12h : Fresque du climat pour enfants (sur inscription/places limitées : https://bit.ly/3UPUd2J)
12h-13h30 : Spectacle de la fanfare Pourpour et Kiosques : Écosociété, Upop Montréal, La Remise, Collectif HEPC (Hautes études post-croissance), Mobilisation 6600, Eau Secours…
13h30-14h30 : Balade découverte des plantes sauvages et de leurs vertus ave Aurélie Oren A., Le Vent et la Tortue (gratuit, place limitées – inscriptions sur place)
*** N’oubliez pas d’apporter vos gourdes remplies d’eau!***
Qu’il soit social-démocrate ou stalinien, le mouvement ouvrier européen du 20e siècle a posé la prise du pouvoir suivie du socialisme d’État comme des étapes nécessaires au passage au communisme dès lors considéré comme étant pour (après-) demain. Avec en primes symétriques l’oxymore stalinien d’un passage au communisme par son contraire (la dictature) et la dérive électoraliste social-démocrate. Cet étapisme qui structure la culture militante rencontre les travaux académiques qui dans leur majorité proposent une analyse non dialectique du capitalisme, posé comme « système de domination » avec une seule classe pour-soi, la bourgeoisie : sans lutte de classes donc, puisqu’une telle lutte suppose l’existence de deux classes pour-soi, avec une classe révolutionnaire en capacité d’instituer les prémices du communisme dans le capitalisme.
À partir d’une analyse de la lutte de classes restituant les éléments de « déjà-là communistes » conquis en France dans le champ du travail (qu’il s’agisse du statut des travailleurs, de la gestion d’institutions macro-économiques ou du financement de la production), on s’attachera :
à chercher les causes de la défaite du mouvement ouvrier depuis une trentaine d’années dans la cécité tant militante qu’académique sur ces déjà-là communistes, évidemment objets d’une contre-révolution capitaliste (ce qu’on appelle par légèreté analytique le « néo-libéralisme ») partiellement victorieuse faute que ces déjà-là soient actualisés et généralisés dans la lutte de classes ;
et à proposer ce que pourraient être cette actualisation et cette généralisation sur trois terrains : le salaire comme droit politique, l’avance en salaire comme seul préalable à la production, la mise en sécurité sociale des productions.
C’est un rendez-vous, vendredi le 20 octobre dès 14h00 à la Salle A-5020 du Pavillon Hubert-Aquin à l’UQAM.
Les idées de la décroissance semblent rencontrer de plus en plus d’intérêt et d’adeptes! Les membres de notre comité scientifique ont été fortement mobilisés ces derniers mois pour participer à ces efforts de réflexions et de sensibilisation. Petit tour d’horizon de nos dernières interventions et prises de paroles :
Un bien bel événement qui a permis de réunir 24 conférenciers-ères de tous horizons, et une soixantaine de personnes. Même si « la décroissance ne se réalisera pas grâce à l’organisation de colloque universitaire », comme le dirait notre cher Louis Marion, nous sommes ravi-es d’avoir pu rassembler cette richesse de réflexions et de propositions, autant porté par des décroissancistes chevronné⋅s que par des chercheurs qui ne travaillent pas directement sur le thème de la décroissance. Cet événement a permis de confirmer que de nombreuses idées existent, et qu’il reste aussi beaucoup de réflexions à mener et d’études à entreprendre. Le comité scientifique de Polémos continue donc sa mission de recherche pour approfondir, entre autres, cette question du comment.
Restez à l’affût, certains contenus seront rendus disponibles dans les prochaines semaines.
En parallèle de l’animation de ce colloque à succès, Yves-Marie Abraham, membre de Polémos, a pu présenter les principales propositions de la décroissance au grand public au jardin botanique de Montréal, dans le cadre des Activités Sciences-moi! organisées par l’ACFAS.
Polémos à la Grande Transition
Le congrès de l’ACFAS tout juste terminé, Polémos s’est ensuite rendu à la Grande Transition pour participer à un panel intitulé « Dialogue entre décroissance et écosocialisme ».
De riches discussions ont pu être menées entre Andrea Levy et Louis Marion, membres de notre comité scientifique, et Bengi Akbulut et Aaron Vansintjan, ainsi qu’avec le public.
La décroissance pour toutes et tous
De nombreuses recherches et réflexions sont encore à mener en décroissance, que ce soit concernant sa critique du monde en place que les solutions qu’elles proposent. La décroissance n’est cependant pas réservée aux milieux universitaires, bien au contraire!
C’est pourquoi les membres de Polémos sont heureux-ses d’avoir pu participer à la 16ème édition du Festival Eurêka, le 28 mai, un festival de découvertes scientifiques pour toute la famille. Pour l’occasion, Josée Provençal et Jérémy Bouchez ont concocté une présentation de la décroissance spécifique pour les enfants, car il n’y a pas d’âge pour apprendre à produire moins, à partager plus et à décider ensemble!
Parce qu’il est urgent d’agir sur tous les fronts, Ambre Fourrier, membre de Polémos, s’est également rendue à un colloque intitulé La réduction à la source : utopie ou possibilité organisé par le FCQGED. Elle a pu présenter la question de la gestion des déchets à l’aune de la décroissance.
Cette période forte en réflexions et en événement touchant à sa fin, nous sommes ravi⋅es de revenir graduellement sur le site avec de nouveaux contenus.
Un grand merci à tous-tes les participant-es, chacun de ces rendez-vous est l’occasion de réfléchir et d’échanger collectivement en faveur de la nécessité de « ce pas de coté ».
Au plaisir de vous rencontrer lors d’occasions futures!
Dimanche le 7 mai 2023 de 13h à 15h, dans le cadre des Activités Sciences-moi! organisées par l’ACFAS, le professeur et chercheur Yves-Marie Abraham donnera une conférence au Jardin botanique – Auditorium Henry-Teuscher.
Cette activité La décroissance, c’est maintenant! sera l’occasion de découvrir ce courant de pensée, et notamment ses principales propositions. L’exposé du professeur Yves-Marie Abraham sera suivi d’une discussion avec le public.
détails de l’événement
« Il faudrait cesser de mettre au centre de notre société ce souci de produire toujours plus, et ce souci-là, il est au fondement même de l’entreprise capitaliste. » Yves-Marie Abraham
Nous sommes de plus en plus nombreux à comprendre qu’il n’y aura pas de « développement durable » et à envisager la « décroissance » comme seule manière d’arrêter la catastrophe en cours. Mais que porte ce mouvement et courant de pensée aux visages multiples? Car le problème que pose la course à la croissance illimitée n’est pas seulement qu’elle détruit ce qui rend nos vies possibles, c’est aussi qu’elle nous éloigne sans cesse davantage de la liberté et de l’égalité qui nous ont été promises.